Renoncer au pouvoir

2020 fut une année chargée en pressions et en confrontations. Elle est aussi une bénédiction. En venant nous confronter dans nos peurs, dans la limitation de nos libertés ou le sentiment d’injustice, elle nous offre la possibilité de lâcher les abus de pouvoir inconscients que nous entretenons d’abord vis-à-vis de nous-mêmes et de questionner l’avenir désirable auquel nous aspirons. « Dans quel monde ai-je envie de vivre ? À quel système de croyances ou d’habitudes suis-je prêt à renoncer afin d’ancrer un nouveau monde pour moi-même et les générations à venir ? »

Renoncer au pouvoir

2020 est venu inlassablement sonder nos réactions et ressentiments qui se fondent en grande partie sur le rapport de force. Derrière les arguments dits « rationnels », le mode de vie millénaire que nous expérimentons de façon répétée est celui de la comparaison et de la compétition. La violence générée par ce mode de vie, qu’elle soit psychologique, verbale, physique ou écologique, entache toutes les relations et, avant tout, celle que nous entretenons avec nous-mêmes. Ainsi, à chaque fois que nous voyons chez l’autre ce qu’il a de « plus » ou de « mieux » que nous, à chaque fois que nous nous critiquons et pensons devoir être « plus » ou « mieux » que ce que nous sommes, nous nourrissons une forme d’abus de pouvoir. « Qu’a l’autre que je n’ai pas ? Comment puis-je être mieux que moi ? » La croissance personnelle, qui nous invite à déployer notre potentiel, nous heurte aussi à l’incessante recherche d’égalité et d’évaluation. Ce combat constant, que nous menons contre nous-mêmes et autrui, nous divise, nous impose d’être quelqu’un d’autre et nous « tue » à petit feu.

Vouloir être « mieux » que, « plus » que, c’est être dans le pouvoir.

L’orgueil et les préjugés inconscients nous guettent ainsi à chaque coin de rue. En cette année fatidique, ils nous ont confrontés à notre rapport au père, à l’autorité et à la loi, marqués par un sentiment d’injustice ou d’insécurité. À travers ces différentes expériences, c’est notre perception et l’origine de ce que nous vivons qui sont questionnées : « Quels jugements suis-je enclin à porter sur moi-même et sur autrui ? Quels rapports de force ai-je l’habitude d’entretenir avec moi-même et autrui ? Quelle réelle échelle de valeurs régit mes réactions et actions ? »

Faire œuvre de paix

2020 nous renvoie un miroir, celui du rapport de force que nous pensons combattre sans nous rendre compte que nous le favorisons un peu tous les jours. Or comment vouloir faire la paix dans le monde si nous ne l’avons pas déjà réalisée en nous-mêmes ? Vouloir la paix commence donc par soi, de soi à soi. Voilà pourquoi il est nécessaire d’identifier nos enjeux de pouvoir interne, de nous confronter à nos « tyrans » intérieurs et à nos propres besoins de contrôle afin d’en déterminer l’origine et d’agir en nous-mêmes : « Jusqu’à quel point suis-je capable de me faire violence pour devenir Mieux que moi ? Qui parle en moi quand je cherche à me contrôler ou à devenir Autre que moi ? ».

La seule paix possible commence à l’intérieur de soi.

Faire la paix en soi s’initie en identifiant la façon dont nous éprouvons intimement les besoins, l’énergie et le goût du pouvoir qui nous habitent inconsciemment, puis en les libérant. Nous sommes invité à nous engager pleinement à dissoudre ces habitudes qui nous empoisonnent la vie, ceci afin de nous reconnecter à notre puissance innée et souveraine. Ce travail intérieur demande beaucoup de courage : le courage de s’aimer tel quel, le courage de lâcher prise et de renoncer à toute forme de contrôle, le courage de traverser l’humilité et de choisir la douceur, le courage d’invoquer le féminin pour enlacer le masculin et faire œuvre de paix.

Déployer la puissance

Par ce changement d’ère et d’air, choisissons de renoncer à nos jeux de pouvoir et à notre égo tout-puissant au profit d’une intelligence éclairée et amoureuse de la vie. Reconnectons notre mental au cœur et à notre intelligence émotionnelle pour honorer le message d’amour – christique, universel ou transpersonnel –, au lieu de nous violenter par le jugement et la comparaison. Reconnaissons en nous l’enfant divin, célébré à Noël et qui symbolise cette part de lumière que nous insufflons à travers nos talents innés. Sortons des ténèbres et regardons en face notre beauté dans toute sa fragilité et diversité.

Déployer la puissance qui vient du cœur nécessite de renoncer au pouvoir par l’observation de nos relations avec autrui et nous-mêmes : « Qu’ai-je fait de mon pouvoir aujourd’hui ? Qu’ai-je fait de mes talents ? Suis-je en train de batailler, de me soumettre à un rapport de force ? Suis-je habité par l’orgueil ? » 

Arouna Lipschitz a établi les cinq axes de pouvoir (à télécharger), pour identifier la façon dont nous nous dévoyons au contrôle et au jugement.

Dans le rapport de force, que nous nous placions en-dessous ou au-dessus, c’est l’orgueil qui prend les commandes. L’orgueil est l’expression de la non-reconnaissance de l’enfant spontané qui doit batailler et se mettre en valeur pour être enfin reconnu. Derrière l’orgueil se niche le petit enfant blessé de ne pas se sentir aimé pour ce qu’il est et rejeté pour avoir été spontané, authentique ou différent. L’orgueil s’édifie sur une multitude d’expériences qui perpétuent le jugement, l’auto-condamnation, la haine de soi, la culpabilité, la honte… Ces expériences et émotions fortes que nous cherchons à réprimer, à maîtriser ou à sublimer ne font que renforcer le combat intérieur et font obstacle à la pensée limpide, à l’action claire de notre puissance.

Seule l’observation, de nos émotions et de l’attachement qu’elles suscitent, est capable de transformer notre rapport au pouvoir. Cette observation permet de dissoudre ce qui est bloqué en nous. Observer, c’est « être avec », sans idée préconçue ni concept, sans jugement ni résistance, sans volonté de maîtrise, de changement ou d’action… C’est une observation pure et absolue de ce qui est, qui embrasse à la fois le « Moi » et l’expérience « désagréable », les réunifiant. Toute notre énergie est alors rassemblée dans l’observation et dissout l’attachement. Il en va ainsi, car en résistant, en tentant de maîtriser ou de réprimer par la force, nous dispersons notre énergie, tandis qu’en observant, nous la concentrant pour dénouer les nœuds intérieurs. 

Devenons humble et chérissons nos expériences confrontantes, celles-là mêmes qui permettent l’ouverture. En nous aimant à travers elles, nous les dissolvons. Sans elles, nous ne serions pas en train de grandir et d’irradier. Car la vraie puissance prend sa source dans l’humilité. Nous apprenons ainsi à accepter d’être parfois plus grand, parfois plus petit qu’autrui. Nous apprenons à donner et à recevoir, à changer constamment de place, de donneur à receveur, et vice-versa. Les relations – avec soi, les autres, le monde – se fluidifient, s’allègent, se font jeu et création.

L’art d’aimer n’est rien d’autre que de savoir changer de polarité. – Arouna Lipschitz

Je vous souhaite à tous une belle année 2021, pleine de spontanéité, de légèreté et d’insouciance, d’intelligence éclairée et amoureuse de la vie, de douceur et de paix, de masculin enlacé au féminin, de danse et d’union, car il en va ainsi quand l’esprit est apaisé et confiant, car il en va ainsi quand nous reconnaissons comme enfant divin né de l’amour, cet océan cosmique dans lequel nous baignons.

Ce texte a été inspiré par la vidéo de Arouna Lipschitz : “Le solstice d’hiver 2020, la grande constellation”. Arouna Lipschitz est philosophe, écrivain, productrice, et créatrice du site La voie de l’amoureux.


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