Accepter l’imperfection

Où il est question de s’apprécier et d’avancer en embarquant avec soi les trous qui nous composent, sans chercher à réussir notre vie à l’image d’une maison parfaite. En réalité, nous sommes en perpétuelle construction ; un chantier permanent qui ne ressemble pas toujours à l’image que nous aimerions renvoyer.

Projet : création d’une vidéo avec deux trois bouts de ficelle (à savoir des photos et films existants) et en un temps record (deux jours). Sens du projet : exprimer le désarroi ressenti devant ce qui nous échappe, comprendre le sens de cette traversée et la transformer par la création.

Acter la chute

Quand vient le moment de la chute des idéaux, c’est là que le château de carte vacille et semble s’écrouler : on se sent particulièrement fragile et impuissant, comme balayé par le vent ; imparfait au possible ; assailli par les critiques intérieures et ce qu’on juge avec sévérité. On a du mal à vivre avec la personne qu’on est devenu : “Je n’y arrive pas, pas comme j’imaginais… Je ne suis pas celle, celui que je voulais devenir”.

Il en est de même avec un projet. Il ne ressemble pas toujours à ce qu’on a imaginé et il nous donne parfois envie de renoncer. Le projet a son propre rapport au temps, un repère qui nous échappe et sur lequel nous n’avons pas toujours la maîtrise. Il faut alors savoir s’ajuster à la réalité et accepter ce rythme qui prend des détours et joue avec notre perception. Accepter ce qui est.

Saisir le sens d’une ouverture

Cette prise de conscience peut prendre la forme d’une ouverture. Comme une fenêtre qui laisse entrer la lumière et nous aide à lâcher certaines fardeaux du passé. Une lueur surgit au bout du tunnel. De l’acceptation peut naître un chemin, un pas de côté qui sublime la traversée ; une œuvre d’art qui célèbre le vivant et le mouvement.

Il y a des moments dans la vie où chaque pas est une victoire. C’est ce que disent les mots écrits par Haruki Murakami, extraits de façon libre des dernières pages de Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil.

J’ai toujours essayé d’être quelqu’un d’autre. J’ai toujours voulu aller vers des gens et des lieux nouveaux et différents, pour m’inventer une vie nouvelle, devenir un être au caractère différent. En un sens, devenir adulte, c’était ça, et en un autre sens, ce n’était qu’un changement de masque chaque fois. En tentant de devenir un être nouveau, je tentais de me libérer. Je voulais vraiment, sérieusement devenir un autre. Mais pour finir, je ne suis arrivé nulle part. Je suis demeuré moi-même. Les paysages avaient beau changer, les échos, les voix différer autour de moi, je n’étais toujours rien d’autre qu’un être humain imparfait. J’avais les mêmes manques en moi, qui suscitaient une violente avidité d’autre chose. Une soif et une faim insatiables me torturaient, comme, certainement, elles continueront à le faire. Ces manques font partie de moi-même. Je le sais maintenant. Longtemps, longtemps… je pensai à la mer.

Dire le mouvement mystérieux

Inspirée par ce texte, j’ai crée une vidéo pour dire le mouvement mystérieux des choses de la vie. En jouant avec ce que j’avais sous la main (à savoir un film de quelques secondes, une variété d’images fixes, un morceau musical aux sonorités intenses et les mots cités ci-dessus de Haruki Murakami, le tout mixé sur iMovie), j’illustre de façon personnelle ce voyage à travers la vie nommé The Unknown (L’inconnu).

Le résultat est une vidéo très, voire trop riche, car les images se juxtaposent à la musique et au texte, ce qui démultiplie les niveaux de lecture : elle demande certainement à être vue plusieurs fois. Mais cet exercice m’a permis de comprendre que ce qui soutient cette création, c’est la musique. C’est elle qui donne le la, elle qui sert de colonne vertébrale, elle qui rythme les images et crée une tension salutaire. C’est le choix du morceau, en somme, qui est devenu le cœur du projet en lui imprimant son mouvement et en orchestrant le montage. Ainsi bat le sens du projet.


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