Où il est question de la beauté comme initiatrice et instigatrice, pierre angulaire de mes actions. Car elle est au cœur de projets que j’accompagne et coproduis ; et elle demande à être honorer, instruite et partagée.
Beauté spontanée
Avant de me préparer à dessiner, je teste mes feutres et suis à chaque fois surprise par la beauté qui jaillit de ces traits de couleur épars, aléatoires, voire accidentels… Ce geste sans intention particulière – autre que celui de vérifier l’état de mes feutres –, libre et insouciant donne forme à un vibrant ensemble.
Il en va ainsi pour tous les aspects de la vie. En étant attentif à la beauté qui émane de nos expériences, en éduquant notre regard, nous donnons un sens à l’ensemble. Nous devenons des “artistes”, des “poètes” capables d’accéder au cœur des choses, de vivre l’élan, de ressentir son énergie…
Voici un texte qui parle de beauté et exprime ce qui est au cœur de mon action, ce qui me donne le goût de créer et d’avancer, ce vers quoi je tends encore plus aujourd’hui : intégrer la beauté à tous mes projets. Je vous le partage parce qu’il constitue la pierre angulaire de mon action pour les années à venir : cette beauté, j’ai envie de l’honorer et de m’y consacrer, de la peindre, de vivre à travers elle…
Vivre de beauté
« J’ai toujours été touchée par la beauté. La beauté au sens de kalos kagathos, expression idiomatique chère aux Grecs anciens, qui signifie : “ce qui est beau et bon pour l’âme”.
L’homme – à fortiori s’il est leader et initie une aventure – a besoin de beauté. Il vise les étoiles, porte son regard vers les sommets et chemine en apprenant chaque jour à incarner les qualités qui l’élèvent. La beauté s’exprime dans la confiance réitérée avec laquelle on honore ses rêves, dans l’énergie d’un corps tendu par la nécessité de s’accomplir, dans le geste quotidien qui fait faire un pas de plus… Vers quoi ? Un projet qui nous prend aux tripes, une envie qui nous pend au nez, un art qu’on apprend à maîtriser ?
La beauté est impulsion, force de vie. Elle nous invite à vivre l’élan, à ressentir son énergie, à dessiner son mouvement avant même de pouvoir le nommer. Cette forme floue, qui s’actualise d’instant en instant, est multiple, pleine de rebondissements, insaisissable.
La beauté nous appelle à un inconnu pour incarner quelque chose de plus grand que nous. La vérité apparaît à travers la force organique, désordonnée et fougueuse, entraînante comme une danse… et certainement pas orientée vers un objectif. Car, quel que soit son art, le leader est confronté au vide : mû par son désir, il recommence, persiste, joue du hasard pour servir le travail de transformation qui le hante intérieurement. Jouer, jongler, maintenir les aspects contradictoires ensemble, c’est tout le sens de “faire œuvre”.
La beauté se dévoile dans le lâcher-prise, car elle nous confronte à notre pluralité intérieure, un désordre apparent qui toutefois maintient une cohésion, un fil rouge intime, parfois invisible, suscitant notre enthousiasme et aiguisant nos instincts pour mieux saisir son mystère. L’aspect polyphonique, chaotique de la vie chahute une mécanique trop bien huilée. La maîtrise n’est qu’un accessoire pour aller vers plus de liberté et faire de nous un “amateur”, celui qui aime et improvise. On n’est jamais meilleur que quand on apprend. Que nous en ayons conscience ou pas, la beauté est là pour nous réveiller au jeu de la création spontanée.
La beauté unifie. Elle nous réconcilie avec notre parcours cahin-caha, à travers nos vulnérabilités et conflits intérieurs, pour nous guider vers une nouvelle expression de nous-même. Elle nous fait aimer ce qui nous anime, sans conditions. Cet amour infini émerveille, car nous le portons en nous à chaque fois que nous décidons de changer de trajectoire.
La beauté est une caresse qui rime avec sagesse : esprit contemplatif qui intègre chaque nouvelle expérience en prenant le temps d’évaluer le pourquoi du comment, en questionnant les questions, en restant en mouvement et en chemin. Une pensée vagabonde à l’image d’une errance joyeuse.
La beauté est sensible à la forme en même temps qu’au contenu. Elle s’appuie sur le langage poétique et symbolique qui appréhende de l’intérieur pour accéder au cœur des choses et faire ressortir ce qui est déjà là. Elle accueille dans la douceur – en regard de la violence de ce qui impose ou s’impose – et dans l’accompagnement… au lieu de fragmenter et d’enfermer. Rien ni personne n’est jamais totalement ce qu’il semble être à un moment donné : il est toujours davantage, porteur de quelque chose à déployer.
Aujourd’hui je me perçois comme une présence dionysiaque, célébrant la gratuité de la vie et son essence. Ainsi je vois la beauté chez celui qui grandit au contact de son projet et des liens complices qu’il tisse. Je vois la beauté du trait instinctif, spontané de mes dessins griffonnés sur ma tablette. Je vois la beauté des mots qui s’impriment ici, se bousculent, s’entrechoquent, créant ainsi une nouvelle expérience de connaissance. Je vois la beauté des projets qui nous réunissent, sans raison apparente, si ce n’est celle d’être attentif à la beauté du monde et de ses expressions. »