La conférence de Paule Lebrun, créatrice de Ho rites de passage, donnée à l’occasion du Forum du Grett, dont le thème cette année était Rituels et transformations m’a subjuguée par le ton enjoué de son joli accent canadien et les résonances enthousiasmantes de sa présentation. Paule Lebrun, journaliste de formation, a découvert les rites de passage au cours de ses nombreux voyages. Elle participe aujourd’hui à ce qu’elle appelle le mouvement pour le réenchantement de la vie. Paule définit le rite de passage comme “la théâtralisation qui ne s’adresse qu’à un seul spectateur, l’inconscient, de l’acte de mourir et de renaître”.
“Nous devons faire face à la mort avant de mourir”, dit-elle. C’est la fonction du cul-de-sac. Quand vous vous retrouvez dans une impasse, quand c’est bouché devant, derrière, dessus, dessous, sur les côtés et où que vous regardiez… la vie vous offre une incroyable chance. La chance inouïe de passer de l’autre côté, de mourir avant de mourir (die before you die). Autrement dit, le cul-de-sac est un portail qui donne accès à la révélation et à l’histoire élargie de votre vie. Pour formuler ceci simplement : l’impasse est la sortie.
Ce moment de bascule est appelé sacré ou magique : la magie intervient quand l’âme agit. Dans cette perspective, la vie n’est pas un problème à résoudre mais un mystère à marcher : vous ouvrir au mystère, c’est être capable de coucher les je sais et accéder à la relaxation profonde des “je ne sais pas”. Les amérindiens disent marcher sa parole. C’est aussi marcher son mythe. Ou marcher dans les pas des dieux et déesses, du héros que nous vous êtes appelé à devenir.
Vous ne bâtirez pas votre vie sur la sécurité, mais sur l’aventure. Malheureusement aujourd’hui le logos (langage rationnel) l’emporte sur le mythos (langage symbolique) et avec la perte du sens du symbolique, le monde actuel ne fabrique plus d’âme. L’âme s’acharne et dit : “I want more ! J’en veux plus !” Le monde lui répond : “Perform”… ou “Achète” ! Or l’âme humaine se nourrit de beauté, de silence, de nature sauvage, de rythme et de rites.
Cette approche poétique correspond à une célébration – un rituel est toujours festif et sacré – dans le but de réenchanter la vie : apprendre à danser dans la rue, sous la pluie, danser ses chutes, ses blocages et culs-de-sac. Remythologiser votre vie, c’est accéder à votre histoire élargie et propre dimension héroïque. Pour participer au mouvement de réenchantement de la vie, mon job est de fabriquer du mythos dans une société qui n’en fabrique presque plus – grâce aux quinze archétypes grecs ou à la facilitation graphique qui transforme le discours en images – aussi bien au niveau individuel que collectif.