Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain, on va continuer à bien se marrer quelles que soient les « conneries » à venir, les nôtres, mais aussi celles des réalités et fantasmes d’un monde devenu si singulièrement confus, opaque, déjanté.
Heureusement, je suis accompagnée par les héroïnes d’un hypothétique roman graphique, un groupe d’amies dont je raconte et dessine, pour le plaisir, le quotidien cocasse et drôle… Le rire, quand il ne s’embarrasse pas des faux-semblants, met à l’honneur l’énergie réparatrice et unificatrice. Tout en dévoilant des vérités, il peut être profondément aimant et compatissant. Nous avons tous besoin de ce miroir tendu par l’autre pour nous souvenir de qui nous sommes et de ce qui compte vraiment.
Le rire qui guérit
Il était une fois Baubô, la déesse grecque du rire obscène. Elle n’est qu’une servante, mais elle fait rire la grande déesse nourricière Déméter avec son esprit terreux, drôle et compatissant – Déméter vient d’apprendre que sa fille a été enlevée et, désespérée, parcourt le monde à sa recherche. L’esprit de Baubô révèle une sagesse cachée, celle du véritable humour : libérateur, il émerge de la conscience profonde qui s’amuse du contraste entre l’immensité des mystères universels et la frénétique agitation humaine. Parce qu’il faut un répit, Baubô provoque un rire régénérateur qui participe au mouvement ondulant de la vie. Il n’est nulle tristesse qui puisse résister à son humour potache : c’est le rire du ventre qui se déclenche en plein milieu d’une catastrophe et qui initie la guérison. Grâce au rire, le courage et l’instinct de survie refont surface.
Le rire provoqué par Baubô ramène la lumière du soleil dans le monde. Il est une éclaircie, un éclat de terre verdoyante qui annonce le retour à la vie. Sous couvert de grossièreté, il relie à l‘énergie sexuelle et à la régénération. Ainsi le rire manifeste une fertilité toute féminine et l’on raconte qu‘il est à l’origine de la création des mondes : « Dieu ayant ri, naquirent les sept dieux qui gouvernent le monde. Lorsqu’il eut éclaté de rire, la lumière parut. Il éclata de rire pour la seconde fois : tout était eaux. Au troisième éclat de rire apparut Hermès ; au cinquième, le Destin ; au septième, l’âme. »
C’est pourquoi je rends hommage, par le récit et le dessin, à cet humour ravageur qui nous reconnecte à la pénétrante énergie de vie. Rien n’est plus vivifiant qu’un éclat de rire partagé. Rien n’est plus profondément humain que d’être capable de rire de soi-même ou de faire rire les autres. C’est une caresse venue du cœur qui emporte tout sur son passage. À nous de cultiver ces précieux moments de franche rigolade.
À vous qui me lisez, je vous souhaite une merveilleuse nouvelle année, « pétaradante » à souhait. Et vive 2023… Avec amour.