En juillet dernier, je suis partie en laissant mon bureau et ma maison. J’ai fait les valises, avec des envies, des espoirs, des peurs aussi, mais je ne savais pas ce qui m’attendait. J’ai juste écouté mon intuition : partir six semaines, c’est-à-dire le plus longtemps possible. Il me tardait de m’éloigner de Paris – même si quitter cette capitale ressemble souvent à un défi, tant de fils semblent me retenir. J’ai choisi un lieu qui avait déjà eu un effet bénéfique l’été dernier, au moment de l’écriture de mon mémoire : les montagnes suisses, dans le Valais, à une centaine de kilomètres de Lausanne et proche du Lac Léman.
Au bout de ces six semaines – qui sur le moment ne m’ont pas toujours semblé particulièrement heureuses ou spéciales, faites de joies et de belles surprises mais aussi de tristesse et d’ennui –, quelque chose d’inattendu a émergé. J’ai eu l’impression d’avoir vécu une parenthèse, “une vie dans ma vie”. Ce morceau de vie auquel je ne m’attendais pas s’est imprimé dans ma mémoire et mes cellules. En faisant le bilan de ces vacances, je me sens neuve et étonnée de ce que j’ai découvert sur moi-même. De nouveaux horizons se profilent et il m’arrive parfois de penser que je ne me reconnais plus (le Soi est tout ce qu’on ne connait pas de soi). Je me suis alors souvenue que j’avais rêvé, il y a quelques mois, prendre une année sabbatique : j’avais imaginé les lieux où aller, l’énergie qui me pousserait à réaliser ce projet et ce que cette expérience m’apporterait comme nouveauté. J’avais laissé mon imagination vagabonder autour de cette idée… En quittant la Suisse, je me suis rendue compte que j’avais réalisé mon rêve, en six semaines seulement ! Je suis partie beaucoup plus loin que ce que je pensais et mon voyage m’apparaît aujourd’hui bien plus long et riche que prévu.
Les dix règles qui ont permis l’émergence de la nouveauté
- On ne choisit pas par hasard le moment d’une telle pause. C’est souvent à une période charnière que le besoin se fait sentir : il est important de comprendre le sens d’un tel passage et ce qui se joue à ce moment-là. Pour moi, le mois de juillet coïncidait avec plusieurs “fins” ou passages : la fin du partage des bureaux de la rue Solférino et mon installation dans le 1er arrondissement, la fin du cycle primaire pour ma fille et son inscription en 6e – entrée aussi dans l’adolescence –, les travaux dans mon appartement qui témoignaient d’une sorte d’avant-après spatio-temporel… Tout indiquait un changement, avec des deuils et un inconnu. En fermant la porte de mon appartement pour prendre la route vers la Suisse, je laissais certains aspects de mon passé derrière moi, trop contente de larguer les amarres.
- Choisir un endroit ressourçant et faire confiance à son intuition. En choisissant la Suisse, je répondais à un besoin vital : celui de me reconnecter à la nature. Pour moi qui pensait être une citadine dans le sang, me rendre compte que la seule chose qui me faisait alors du bien était le contact avec la végétation, l’air, les bruits des sources et du vent, fut une découverte.
- Accueillir toutes les émotions : les vivre avec bienveillance et sans jugement. Vivre en harmonie avec son rythme émotionnel sans chercher à contrôler ou diriger le temps qui passe. Je suis arrivée dans un appartement vide et j’ai pris conscience de ma solitude. Je l’avais recherchée mais maintenant qu’elle m’apparaissait clairement, je pouvais aussi ressentir l’angoisse qui l’accompagnait. J’étais épuisée par l’année écoulée et les nombreux défis relevés : il m’a fallu accepter des moments de dépression et de lâcher-prise. Au lieu de me réjouir des moments de tranquillité, je sentais toutes les tensions refaire surface, les croyances ressurgir et les jugements se bousculer à la porte. La seule chose qu’il me restait à faire était d’accepter de ressentir ce que je ressentais et de laisser faire.
- Compter sur ses ressources : faire la liste des qualités, des compétences et des potentiels possibles. Face à cette solitude, j’ai tout de suite fait le point sur mes ressources : j’ai compris que je pouvais compter sur certains aspects de moi pour sortir de l’impasse, comme par exemple la capacité de me reconnecter à mon corps ou de créer du lien avec des personnes croisées. Et c’est ce qui s’est passé : j’ai rencontré de nouvelles personnes et j’ai pu tisser un tout nouveau réseau de contacts, de connaissances et d’habitudes. J’ai fini par me sentir complètement chez moi dans cet environnement au départ étranger. Je me suis réinventé une vie et j’ai fini par penser que peu importe le lieu, on trouve tout ce dont on a besoin où que l’on soit.
- Vivre avec son corps : développer l’activité physique, le sport et l’écoute des sensations… Tout ce qui permet de ressentir et de s’exprimer physiquement. Les montagnes suisses m’invitaient à la marche, à courir, à respirer l’air frais, à partir à la découverte des paysages et à me dépasser physiquement. J’adorais également sentir la chaleur du sauna qui asséchait et nettoyait mon corps, puis le plaisir de plonger dans la piscine extérieure, froide et baignée de la lumière du ciel et des arbres environnants. J’imaginais que le chaud-froid agissait sur mon cerveau comme des séances de EMDR et me permettait de déconnecter mes neurones de leur habituel chemin, créant ainsi de nouveaux circuits. Je me délectais ensuite de la sensation de détente qui en résultait.
- Ne pas s’accrocher au plan initial. J’étais partie avec le projet d’écrire. De très nombreuses envies professionnelles étaient listées sur mon carnet : je n’ai rien fait de tout ça. J’ai bien culpabilisé par moment, mais j’ai fini par lâcher : il ne me restait plus qu’à vivre. Vivre l’instant présent, sans chercher à remplir un quelconque planning. C’est ainsi que j’ai pu me vider. J’ai compris qu’il m’avait fallu six semaines pour me délester complètement du superficiel superflu jusqu’à n’être plus qu’un être vivant parmi d’autres, répondant à des besoins basiques et essentiels. Tout est devenu si simple. Cette simplicité est maintenant vitale pour moi.
- Se vider, c’est lâcher le mental. Ne pas chercher à chasser les pensées ou les idées (c’est absolument impossible à faire !), mais choisir de les ignorer : les laisser passer. J’avais un carnet sur lequel il m’arrivait d’écrire, surtout pour “décharger” des émotions ou des jugements. J’ai appris avec le temps à ne pas m’accrocher aux idées – aux si nombreuses idées ou pensées – qui me traversaient la tête. Elizabeth Gilbert, auteur de “Eat, Pray, Love” et de cette passionnante conférence, raconte que Tom Waits est en voiture quand une inspiration créatrice le saisit ; il s’adresse alors à celle-ci en lui disant : “Je suis en train de conduire, ce n’est pas le moment de venir me déranger. Va donc voir ailleurs si j’y suis, quelle idée de venir me titiller à un moment pareil. Va donc voir quelqu’un d’autre… Léonard Cohen, par exemple. Ou bien reviens plus tard quand je serai vraiment disponible”.
- Accepter de vivre seul, car il n’y a que dans la solitude qu’on trouve son propre chemin. Au milieu des rencontres et des amis retrouvés, j’ai aussi passé beaucoup de temps seule, jusqu’à éprouver le vide et l’ennui. Mais c’est ce qui m’a permis de découvrir des endroits uniques et cachés – au cours de mes balades, comme au fond de moi – et d’établir mes propres règles et échelles de valeur. Toutes mes expériences ont été passées au seul crible de mon regard. J’ai pu les vivre sans y mettre de mots, proche de mon ressenti, en accueillant la frustration et en lâchant les attentes. J’y ai trouvé une nouvelle forme de liberté et d’innocence.
- Oser quelque chose de nouveau chaque jour. Faire autrement ou changer de chemin. Écouter le mouvement intérieur, qui fait appel à une écoute subtile de ses élans. Quand je sentais que des peurs ou des jugements freinaient mon énergie, je faisais en sorte de sortir des sentiers battus. J’allais à contre-courant. Je prenais ma voiture et je visitais un autre endroit. Ou bien je m’habillais autrement. Ou je faisais fi du brouillard pour continuer ma ballade et me retrouvais perdue dans les alpages… Mon mot d’ordre était : me réinventer.
- Prier, rêver. J’ai peu lu. Mais je m’étais laissée inspirée par le livre de Gregg Braden et par moments je pensais : “Il ne me reste plus qu’à prier.” J’ai donc cherché à vivre dans mon corps et mes émotions les rêves que je voulais voir se réaliser. J’ai eu quelques magnifiques surprises. J’ai surtout senti l’ouverture au niveau du cœur. Désormais les montagnes suisses sont associées à la beauté, l’amour et la plénitude.
Vous aussi, vous avez expérimenté la nouveauté, un voyage intérieur ou initiatique. Prenez le temps d’écrire et de revivre les épisodes marquants. Notez les détails, laissez-vous imprégner par les sensations corporelles et les émotions, listez les règles ou commandements qui ont permis l’expérience et l’émergence.
Deux livres très inspirants de Gregg Braden : “Secrets de l’art perdu de la prière” et “La divine matrice”. À lire également : une expérience intéressante de David Baker on Leaving A Job You Love.